Lettre d'Angélique à sa soeur :
Ma tetelle,
Il est 23 heures et je ne trouve pas le sommeil. Je ressens le besoin de te dire, les souvenirs me reviennent, le cauchemar défile dans ma tête. L'heure fatidique est arrivée, l'heure à laquelle le 15 avril 2006 mon téléphone a sonné. Je m'étais endormie auprés d'Ilan et Léa qui n'arrivaient pas à dormir. Je n'ai pas voulu répondre à maman,grognant intèrieurement vu l'heure à laquelle elle me téléphonait. Alors elle a insisté et à essayé sur le téléphone de Jérémy qui regardait un film. Ce fût lui qui me réveilla : " Angèle c'est ta mère ta soeur a eu un accident". Je me souviens lui avoir répondu "Quelle soeur"??
Alors je prends le téléphone, maman en sanglots me demande de venir, me dit que les gendarmes sont venus chercher papa. Elle me dit que ca doit être grave, ils n'ont pas voulu qu'elle y aille mais je ne peux y croire. Je réveille et habille les petits qui ont alors 6 mois et 3 ans. J'enfile les premières fringues que je trouve et nous prenons la route. Vingt minutes d'angoisse, de pleurs où je ne réponds pas au questions de Léa.
Nous arrivons devant des lumières éblouissantes bleues, celles des girophares des pompiers et gendarmes. On s'arrête, je descends. Un pompier nous demande de circuler mais je lui dit que je suis ta soeur alors il me laisse passer et Jérémy s'éloigne en voiture pour les petits qui ne dorment pas. J'avance, je vois des tas de gens et petit à petit je distingue ta voiture. Je la vois trés mal elle me semble coupée en 2 au milieu de l'arbre. Puis je reconnais papa, planté au milieu de ce cauchemar, en larmes et me disant seulement
"C'est fini, c'est obligé".
Je n'y crois pas et lui demande
"Où est Tom".
Il me regarde étonné et me demande
"A la maison pourquoi?"
"Ben si elle lui avait fait du mal elle s'en voudrait"
Quelle naïveté!!Comment imaginer que tu n'ais rien, que tu sois consciente au point de t'inquiéter pour ton chien alors que cela fait une heure qu'ils essaient de te sortir! Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé avant de voir les pompiers te sortir et juste apercevoir de toi que ton bras droit qui tombe le long du brancard. Papa me demande de rejoindre maman ce que je fais.
Je la trouve assise au canapé ,anéantie, attendant des nouvelles. J'essaie de la rassurer mais j'ai l'impression d'être dans une bulle, que je vais me réveiller... Puis papa rentre, nous dit que tu es partie en hélicoptère à Toulon, qu'il faut attendre, que le temps des examens nous n'en serons pas plus. Papa et maman téléphone à l'hôpital mais sans réelles réponses , maman pousse papa et à 2h du matin les voilà partis pour 1 heure de route te rejoindre.
Il est 5 heures quand maman nous appelle pour nous dire que tu es dans le coma,qu' ils vont te raser la moitié de la tête pour te mettre un capteur. Je me sens seule et vide à ce moment.
Avec Steph nous fesons des pieds et des mains pour venir le lendemain et nous y arrivons. Les garçons conduisent, nous on ne peut pas,c 'est impossible, paralysées par la peur.
Papa et maman ont des visages méconnaisables, ils nous préviennent que c'est dur, qu'il ne faut pas crier. ON VEUT TE VOIR!!! On enfile les blouses blanches, donne notre nom et notre lien de parenté et on avance dans un couloir interminable. Qu'il fait sombre et quelle froideur dans ce service de réanimation! Enfin ta chambre, nous entrons et c'est l' horreur. Des tuyaux partout autour et dans toi, des tas de machines aux bruits épouvatables. Steph craque et crie dès l'entrée,mes larmes coulent et j'hurle intèrieurement. On s'approche, tu es si blanche si dure et si froide. J'ai trés peur, cela me rappelle lorsque j 'ai touché papy quand nous sommes allés lui dire adieu. Nous restons peu, le choc est violent. A la sortie on nous donne des calments.
Les jours qui suivent furent horribles. La broche qui transperce ta jambe, les opérations, la décision de te raser la tête entièrement "Non, elle mettra un bandeau, laissez lui sa longueur". Jamais je n'aurais cru un seul instant que tu étais déjà dans ton monde. Quelle belle surprise j'ai eu en te voyant rasée tu étais magnifique. Tu ressemblais à l'actrice que tu as vu à Cannes, qui a joué dans "Léon".Puis ta température chute à 34°C. Les medecins nous disent de ne pas espérer mais comment fait on pour ne pas espérer? Nous t'envoyons des textos pour que tu les lises dès ton réveil. Ensuite viens la question de la trachéotomie "Oh non je ne veux pas!" Je me remémore ce film où un homme fait une trachéo avec un stylo bic!! On te la fait et ce trou me choque davantage que le tuyau dans ta bouche qu'il remplace. Les machines diminuent, un apres midi on te trouve assise dans un fauteuil , les yeux ouverts. J'y crois,j ' y cours, je souris et te parle. Mais tes yeux sont fixes. Les médecins nous expliquent que tu n'es pas consciente, tu n'es juste plus dans le coma. La suite, c 'est un an d'enfer dans un centre de rééducation toujours à Toulon, toujours à 1 heure de la maison. C'est un an d'aller retour quotidien, un an d'attente que tu reviennes, un an d'attente de pessimisme du docteur. Les autres autour de toi se réveille malgré une chute de 3 étages, un accident de moto où on a du lui ouvrir le crâne en deux ! Ceux là parlent, mangent, ont en rééducation pour marcher. Les textos nous reviennent non envoyés,tu n'as pas rallumé ton portable. Et toi mon ange, tu restes dans ton monde.
Puis en juin 2007, c'est le retour chez maman. Le début de ton évolution: tu souris,tu suis du regard,tu fais quasiment plus de crise d'énervement, tu lève ton bras droit et bouge tes doigts! Tu réponds par clignements des yeux seulement quand tu veux! Tu émet même le son "A" quelques fois et c'est trés bizarre ta voix n'est plus la même. Depuis quelques temps tu stagnes, pourtant nous nous relaions jour et nuit auprés de maman et toi.
Je t'ai perdu ma soeur,ce maudit 15 avril 2006. Je n'arrive pas à accepter que ce soit la nouvelle toi. Ton visage est si différent,j'ai toujours l'écho de ton rire dans la tête, je te vois partir du studio en retard comme à ton habitude, la clope au bec. Estelle j'ai si mal. Pardonne moi de ne pas être venue avec toi en Italie. Je t'aime.
J'ai rêvé de toi la nuit dernière. J'étais déguisé en Maya l'abeille lol vas savoir pourquoi! Dans ce rêve je me mets près de toi qui est assise dans ton fauteuil. Et là de peur tu lèves les deux bras tu soulèves le torse et tu me pousses! Puis tu te mets à crier pour que je parte et de colère c'est toi qui te lève et qui va dans le jardin de maman !!Quel rêve merveilleux! Est ce un signe la nuit précédent ces 2 ans ? Où est ce seulement mon rêve de chaque jour que je mets en forme en dormant ?
Les années passent et j'ai peur que tu ne nous reviennet pas un peu plus, au moins un réel contact, une communication où tu peux t 'exprimer.
Je t'attends, et Léa réclame sa marraine pour chanter "au feu les pompiers".
Je t'aime , toi ma tetelle chérie avec ton sale caractère et ta maladresse.